Comme des millions de gens, je suis chez moi. Dans notre petit appartement (moins de 50m2 pour 4, on peut dire qu’il est petit), avec Maritomio et nos deux garçons de 10 et 9 ans. Qui ne sont pas sortis depuis dimanche dernier, une semaine. Parce que le confinement c’est le confinement. Parce qu’on a su très vite que les enfants pouvaient être porteurs sans symptomes (il y a d’ailleurs des magasins qui commencent à interdire la présence des enfants), pas de sortie pour eux. Même pour aller faire de la trottinette sur le trottoir. Leur vie se résume à ce que dit si bien Christian Bobin dont je suis en train de relire Le Très-Bas « Ecoutons les bruits du monde à la fenêtre. »
Nous avons la chance d’habiter sur une avenue très passante, au 1er étage (si un jour on m’avait dit que je m’en réjouirais…). De quoi donc regarder ce qui se passe dehors, constater qu’il y a encore beaucoup trop de monde à l’extérieur. A croire que le mot dérogatoire dans l’intitulé de l’attestation de sortie n’est pas bien compris. Qu’il n’est pas question de sortir pour sortir, mais uniquement quand le frigo est vide ou qu’il faut se procurer des médicaments. Je n’insisterai pas non plus sur tous ces proches qui m’ont contactée de leur campagne où ils ont fui. En égoïstes, en inconscients ou plus gentiment, en ignorants.
« L’événement est la vie qui survient dans une vie. »
Christian Bobin – Le Très-Bas
Il me semble beaucoup plus intéressant de vous parler de ce que j’ai appris sur moi cette semaine. De cette organisation que j’ai du mettre en place, parce que je ne suis hélas pas en « vacances », mais en télétravail. C’est donc la double peine : je travaille et je m’occupe des devoirs des enfants. Plus de trajets en métro pour lire, plus de pause déjeuner pour aller à la bibliothèque, déjeuner avec les collègues. Mais 2 idées de repas à trouver par jour, autant de repas à préparer. Certes enfants et mari aident, à leur manière, mais ne nous torchons (plus réaliste que le voile) pas la face, c’est bibi qui fait tourner la maison. Et bien curieusement, alors que d’habitude au bout d’une journée tous ensemble, j’ai un besoin incommensurable de tout envoyer balader et de prendre du temps pour moi, je me surprends à aimer ce nouveau rôle. A chercher comment rassurer petits et grands, occuper ces longues journées, faire en sorte qu’on se lève à des heures raisonnables. Tout en lâchant la bride quand il faut. Après tout, c’est un moment exceptionnel, dont les enfants se souviendront toute leur vie. L’instituteur de mon plus grand lui a demandé d’écrire un journal sur ce qu’il ressent, ce qu’il comprend et de l’illustrer. C’est une bonne idée que j’avais en tête.
« La maternité est la fatigue surmontée, la mort avalée sans laquelle aucune joie ne viendrait. »
Christian Bobin – Le Très-Bas
De toute façon, je n’arrive plus à lire et il semblerait que nous soyons beaucoup dans ce cas. Trop préoccupés, trop conscients de ce besoin de relations sociales qui se réduisent à peau de chagrin, le plus souvent par le biais des réseaux sociaux. Qui nous sauvent dans ce cas, il faut bien le dire. Certes, les cons ne cesseront jamais d’être cons, mais on voit aussi beaucoup de belles choses, de belles initiatives.
J’ai appris aussi, et ce n’est pas des moindre, à trouver ma pièce à moi, mon refuge. Et j’ai de la chance, car elle change en fonction des moments, sans doute parce qu’elle est d’abord en moi. Dans la journée, c’est dans la cuisine. Pièce fermée (oui, je sais ce n’est pas très Plazattitude) avec une fenêtre qui donne sur un grand immeuble plein de mystère. C’est de là que nous applaudissons tous les soirs à 20h00 en hommage aux soignants, nombreux dans le quartier. Et le soir, sur mon lit, c’est le moment d’écriture, ma page minimum, et quelques pages de mon livre en cours.
Cela ne m’était rarement arrivé à avant, mais grâce à ce confinement je me sens à ma place, tout simplement.
« Etre mère c’est un mystère absolu, un mystère qui ne compose avec rien, un absolut relatif à rien, une tâche impossible et pourtant remplie… »
Christian Bobin – Le Très-Bas
Bonjour Laure,
Merci pour cette belle page. Je comprends mieux pourquoi je n’ai pas eu de nouvelle de ta part. Égoïste, inconsciente ou ignorante, jai fait le choix de fuir, je pense que je n’aurais pas pu écrire un texte similaire à toi si j’étais restée à St Denis dans mon RDC sans balcon au lieu du 16ème arrondissement. Chacun fait comme il peut et comme toi, je jongle entre télétravail et suivi scolaire, loin du contact des autres, dans des conditions bien plus protectrices pour tout le monde que la promiscuité citadine de notre lieu de vie quotidien.
Je regrette que cette guerre comme l’appelle notre président inconscient divise les français et que ces derniers se laissent manipuler par les médias. Ne nous laissons pas comme en période de guerre, emportés par le jugement populaire, le ressentiment, la jalousie. Heureux ceux qui protègent et se protègent , quelqu’en soit les conditions. Tout cela alimente la guerre des sentiments et là , c’est foutu.
Plein de courage à vous tous, bises. Plume dyonisienne.
Merci de ta réponse franche et honnête, c’est ce qui compte, chère Plume dyonisienne.
C’est ce que je pense là maintenant, et peut-être que les choses changeront, et ce dont je suis sûre c’est que je n’en garderai aucune rancune. Chacun fait comme il peut et je comprends très bien que certains aient fait ce choix de partir. Cela n’apparaît pas dans mon message et j’aurais peut-être du le nuancer ainsi.
Rectification : je n’ai pas de balcon, juste une fenêtre. Mais tu ne peux pas le savoir, cela fait un temps fou qu’on s’est dit qu’il fallait vous inviter et nous ne l’avons pas fait :-). Donc dès qu’on peut se revoir, vous viendrez à la maison. Gros bisous, prenez soin de vous et gardez un oeil de loin sur mes chers parents !
Bonjour mes 2 chères cousines,
Votre intelligence et votre finesse de jugement vous ont permis déjà d’évoluer dans la compréhension de l’autre… bravo. Chacun fait comme il peut effectivement. Certains ont des prisons plus dures que d’autres, c’est vrai qu’à la campagne c’est plus confortable.
Moi aussi je tiens un journal. Cette période laissera des traces… Et malgré les bassesses et les erreurs et les égoïsmes… je suis profondément convaincue qu’il en sortira de bonnes choses. Dans le travail (qui voudra faire 2 h de trajet pour aller bosser..?.) dans l’éducation, (Nous inventons dans l’urgence l’école à distance !!) Et dans les relations entre les gens : on prendra peut être le temps de s’inviter plus, de se téléphoner plus…
Je vous embrasse et tous les vôtres aussi ! Fabienne