Auteurs de Sicile – 1 – Andrea Camilleri

Mon bureau, au sens mobilier du terme, se situe dans un petit coin de la pièce de séjour, dos au canapé. Sur un bout de mur, à côté de la télévision, cette bouffeuse de temps. Cela fait un petit moment que j’avais envie de créer une série de billets, quelque chose qui donne envie à mes lecteurs d’attendre la suite, d’approfondir un thème… ou d’espérer vite fait le suivant. Qui me donne à moi aussi l’obligation joyeuse de revenir écrire ici plus régulièrement.

Assise à mon bureau, je n’ai eu qu’à lever la tête et contempler la vieille carte de Sicile pour comprendre que je pouvais lier ce coin d’Italie et la littérature. Liens puissants, forts, inattendus et très nombreux. Où l’on découvre que des grands noms de la littérature italienne viennent de Sicile. Le thème s’imposait à moi. Et le choix du premier auteur présenté aussi. Le tout premier que j’ai lu, Andrea Camilleri, le père du Commissaire Montalbano.

Un écrivain au succès tardif

Andrea Camilleri est né en 1925, à Porto Empedocle, dans la province d’Agrigente, à l’ouest de la Sicile. Province qui a donné de nombreux écrivains, il suffit de suivre la route des écrivains (SS 640 Strada degli Scrittori) pour s’en convaincre.

Disposant de peu de ressources, Andrea Camilleri fréquente la bohème de Palerme et commence à écrire quelques articles et de la poésie. Il obtient même quelques succès avec une pièce de théâtre, Giudizio a mezzanotte à la fin des années 40. Il commence alors une carrière de metteur en scène (théâtre, radio, télévision) et produit une adaptation des aventures de Maigret de Georges Simenon qui lui inspirera le personnage de Salvo Montalbano.

Parallèlement à cette carrière, il continue à écrire des nouvelles, sous les encouragements de son ami Leonardo Sciacia. En 1978, il publie à ses frais Il corso delle cose (Le cours des choses). Puis avec un éditeur en 1980, Un filo di fumo, roman historico-policier basé sur un fait réel du XIXème siècle. Mais c’est 12 ans plus tard qu’il connait enfin le succès, à 67 ans, avec La stagione della caccia (La saison de la chasse).

Le Commissaire Montalbano lui donne la renommée

Le succès s’impose de manière définitive et internationale avec les premiers romans policiers autour du commissaire Montalbano, La forma dell’acqua (La forme de l’eau) en 1994 et Cane di terracotta (Chien de faïence) en 1996. La série aurait dû s’arrêter là, mais forte de son immense succès et de l’attente des lecteurs, elle a été poursuivie. Cependant Andrea Camilleri a la main sur son personnage (comme François Merlin l’a sur Bob Saint-Clar dans Le magnifique… une petite série sur mes films cultes cela pourrait être une idée !) ; nous ne le saurons qu’à sa mort, lors de la publication de son ultime roman à titre posthume.

Salvo Montalbano, qui tirerait son nom de celui de l’auteur espagnol Manuel Vázquez Montalbán, dont Camilleri appréciait le personnage de Pepe Carvalho, est commissaire de police à Vigata, cité fictive (inspirée de sa ville natale). Il est aussi bourru qu’attaché à sa terre, à sa mer et dévoué à son boulot. Ses acolytes Fazio, Mimi le coureur et Catarella le planton fidèle mais un peu simple, l’accompagnent dans la résolution d’enquêtes aux thèmes très actuels.

Les aventures du commissaire Montalbano ont été portées à l’écran dans une série télévisée très réussie de la RAI (mais totalement ratée dans sa version française). La maison du commissaire, utilisée pour le tournage, est devenue une destination à part entière pour les touristes en Sicile.

Un univers et une langue

La langue de Camilleri est une invention, une oeuvre d’art en elle-même puisqu’elle mélange allègrement l’italien et le sicilien, avec quelques soupçons de termes du dialecte d’Agrigente. Autant vous dire qu’il m’a fallu un peu de temps pour m’y mettre, moi la Française qui comprend l’italien mais pas du tout le sicilien. Ah oui, parce qu’évidemment, il n’était pas question de lire en français. J’en ai pourtant quelques volumes en français, plutôt bien traduits compte tenu de la difficulté de l’affaire. Pour vous donner une idée, voilà les informations concernant la traduction de La démission de Montalbano (Fleuve Noir, Pocket, 2001 pour la traduction) : Traduit de l’italien (Sicile) par Catherine Siné et Serge Quadruppani avec l’aide de Maruzza Loria – Texte proposé par Serge Quadruppani)

Le commissaire nous fait également découvrir toute la richesse de la gastronomie sicilienne. Et pour rien au monde il n’abandonnerait la caponata préparée par sa fidèle Adelina ou le polipetti murati (purpiteddri affucati) de son ami restaurateur.

A 93 ans, Andrea Camilleri continue à écrire ; il a publié plus de 100 livres, traduits pour certains dans 30 langues et est même publié dans la collection I meridiani, l’équivalent de la pléiade en Italie.

Aveugle depuis quelques années, il dit pourtant : « Da quando ho perso la vista vedo più chiaramente. » (Depuis que j’ai perdu la vue, je vois plus clairement).

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