Dans Le diable par la queue Paul Auster affirme « On ne devient pas écrivain à la suite d’une « décision de carrière » […] On choisit moins qu’on n’est choisi et dès lors qu’on reconnaît n’être bon à rien d’autre, il faut se sentir prêt à parcourir une route longue et pénible pendant le restant de ses jours. » Cette question du métier d’écrivain me taraude en ce moment, surtout quand votre quotidien est bouleversé par les mouvements sociaux du moment. Je me suis donc offert le livre d’Haruki Murakami avec gourmandise, d’abord parce que j’aime beaucoup l’univers d’Haruki Murakami, et un peu aussi comme une promesse sur l’avenir, un pari un peu fou à envisager.
Alors oui, je sais, on n’a rien sans rien et le métier d’écrivain est d’abord un labeur, une tâche qui demande patience, confiance et régularité.
« Ecrire un roman n’est pas très difficile. Ecrire un roman magnifique n’est pas non plus si difficile. Je ne prétends pas que c’est simple, mais ce n’est pas non plus impossible. Ce qui est particulièrement ardu, en revanche, c’est d’écrire des romans encore et encore. »
En 11 chapitres variés (Les romanciers sont-ils une espèce tolérante ? – A propos des prix littéraire – Une activité physique totalement personnelle…), Haruki Murakami nous parle de sa vie personnelle autour de ses romans…
de son absolu besoin de musique
» La lecture et la musique étaient mes plus grands plaisirs, même si j’étais par ailleurs débordé et épuisé. Ces joies, personne n’a pu me les enlever. »
de son organisation méthodique, de la nécessité de s’imposer un rythme, un objectif comme Karen Blixen qui disait écrire « un peu chaque jour, sans espoir, sans désespoir ». Pour faire du temps son allié, écrire, terminer, laisser reposer une semaine, reprendre pour des retouches, recommencer… comme une respiration du coureur de marathon qu’il est.
« L’important c’est le processus de réécriture en soi […]. Le résultat ne sera pas très différent selon le type de bâton qu’on utilise ou la manière dont on frappe le buisson. Ce qui compte, c’est que les oiseaux s’envolent. »
de son lien avec ses lecteurs à qui il imagine être relié par « un énorme pipeline, sans média ou monde littéraire. »
de sa capacité à continuer à écrire pour lui, par plaisir
« Je suis un écrivain en activité ou pour le dire autrement, un écrivain encore en voie de développement. Un homme en perpétuel recherche… »
Enfin je salue aussi sa déclaration aux traducteurs, probablement parce qu’il l’est lui-même, dont il dit qu’ils « sont les meilleurs partenaires d’un écrivain à l’étranger. » Pour moi, la traduction est absolument fondamentale et bon nombre de livres m’ont échappé du fait d’une traduction impossible.
Tradition à laquelle je ne peux renoncer, vous donner la dernière phrase :
« Qu’importe mon âge, qu’importe le lieu où je me trouve. »
Profession romancier – Haruki Murakami – Traduit par Hélène Morabita – Belfond, Octobre 2019